La vertu des citoyens ne suffit pas pour faire régner la justice dans l'État - Conclusion

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De la justice archaïque à la justice de l'État

Dans la tragédie d'Eschyle Les Euménides (-458), la déesse Athéna institue le tribunal civique d'Athènes, qui rendra désormais la justice au nom de la loi de la Cité. Ce symbole est puissant, car la Cité et sa loi se substituent alors à deux justices archaïques :

  • la justice arbitraire du despote, du maître, sur son domaine et ses esclaves, du chef de famille, comme la justice des anciens rois d'Athènes ;
  • la justice religieuse qui appelle le cycle éternel de la vengeance entre les familles, représentée dans le mythe par les Érinyes. 

La Cité est l'État du droit : celui qui dote une communauté d'un même droit, d'une même loi valable de la même façon pour tous ses citoyens, ainsi constitués en corps politique. La Cité est l'assemblée des citoyens en un même lieu, où ils délibèrent pour décider de leurs affaires communes, par opposition aux affaires privées, domestiques, relevant du chef de famille. 


La Cité juste est faite de citoyens justes eux aussi, vertueux

Quand ses institutions sont justes, la Cité attribue à chacun sa part d'honneur et de peines, selon un principe de légitimité. Elle intègre ses citoyens dans une communauté politique qui peut satisfaire toutes leurs aspirations légitimes, tandis que ni la famille, communauté affective, ni la prospère communauté professionnelle ne peuvent suffire à elles seules à apporter ainsi la justice et la liberté.

Il est inhérent au modèle politique de la Cité de dépendre de la vertu des citoyens qui la composent, d'où l'importance primordiale en son sein de l'éducation des futurs citoyens. La Cité ne peut subsister, dans la paix et la guerre, que si ses citoyens sont forts, vertueux, avisés, justes, toujours engagés dans la vie politique, soumettant leur intérêt particulier à l'intérêt commun

La Cité juste, la République, apparaît ainsi comme le modèle politique naturel, celui qui correspond de façon idéale aux besoins et aux potentialités de la nature humaine. La Cité est un équilibre entre deux humanités dégradées : celle d'un côté de l'isolement des êtres vivants sauvages, soumis à la nécessité ; de l'autre la servitude des peuples dans un empire, qui les soumet à un seul maître.


La mise à l'épreuve du modèle de justice de la Cité

Idéalement, dans la Cité, il suffirait que chacun soit juste pour que règne la justice. Mais le modèle idéal de la Cité juste n'est-il pas soumis à l'épreuve de la réalité, par bien des côtés ? 


  • La cité réelle d'Athènes n'est pas à la hauteur de son idéal de justice, quand elle condamne à mort son citoyen le plus vertueux, le plus juste, Socrate. Platon, élève de Socrate, répond en plaçant la Cité idéale si haut au-dessus de la Cité réelle que celle-ci se trouve condamnée par la raison. Le philosophe et le citoyen, dont Périclès célébrait l'unité à Athènes, se séparent désormais.  
  • Parmi les philosophes, Aristote fait exception, en ramenant la justice à celle qui peut régner dans la Cité telle qu'elle existe réellement. Mais la cité grecque, qui avait triomphé de l'Empire perse, succombe à son tour face à l'empire d'Alexandre, puis à celui de Rome, qui l'intègre et fait disparaître sa liberté. La vertu des armes et des lois de Rome l'emporte sur celle de la Cité grecque.
  • Avec Rome, l'Empire s'impose comme un autre modèle d'État pour faire régner la justice. La supériorité de l'Empire sur la Cité ne tient pas seulement à sa taille et sa puissance supérieure. L'Empire peut aussi prétendre satisfaire, mieux que la Cité, les aspirations de la nature humaine, en englobant toute l'humanité civilisée, selon son désir, en un tout cosmopolitique sous une seule loi. 
  • Mais ni la Cité ni l'Empire ne satisfont l'exigence de justice de l'humanité, une fois aiguisée par les philosophies et les religions universalistes. L'injustice subsiste dans l'humanité tant que seule une minorité de citoyens est reconnue par la loi, et non les femmes, les esclaves et les peuples soumis. La voix religieuse portée par l'Église surenchérit, en affirmant que ce serait seulement en Dieu que tous auraient droit à la justice.


Question :

Le philosophe juge la valeur de la justice rendue par les institutions d'après ce qu'il peut lui-même scruter de la nature humaine. Quel doit être alors le modèle d'institution politique qui peut faire régner la justice : est-ce une Cité, par exemple sur le modèle d'Athènes ; ou bien est-ce un Empire, sur le modèle de Rome ; ou bien encore est-ce une Église, par exemple sur le modèle de la Jérusalem céleste chrétienne ?

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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